Trop souvent, la valeur ajoutée, les talents et les perspectives uniques des collègues atteints de TDAH sont éclipsés par des préjugés et des suppositions erronées, comme l’idée que les personnes atteintes de TDAH ne peuvent pas rester assises ou qu’elles sont paresseuses. L’étude ‘Workplace Neurodiversity: The Power Of Difference’ menée par ‘Institute of Leadership & Management’a révélé que c’est sur le TDAH que pèsent le plus de stigmates dans le milieu professionnel et que 32 % des entreprises interrogées n’embaucheraient pas de collaborateurs présentant ce neurotype. C’est pourquoi nous pensons que le TDAH mérite une place sous les projecteurs, et il n’y a pas de meilleur moment pour le faire que pendant le ‘Mois de sensibilisation au TDAH’ (‘ADHD Awareness Month’). Découvrez dans cet article la valeur ajoutée de ce neurotype et comment les collègues atteints de TDAH enrichissent votre équipe et votre organisation par leurs contributions.
Qu’est-ce que le TDAH ?
Le TDAH est un neurotype, tout comme l’autisme, la dyslexie, la dyspraxie, … dont on ne tient encore trop souvent pas compte dans notre société ni au travail. C’est pourquoi il est souvent placé sous le terme générique de neurominorité ou de neurodivergence. On estime que le TDAH touche environ 2,5 % des adultes (prévalence selon le DSM-5).
En psychiatrie, on décrit souvent le Trouble du Déficit de l’Attention avec ou sans Hyperactivité (TDAH) comme étant caractérisé par des déficits d’attention, d’organisation, des niveaux d’activité et un contrôle des impulsions. Ils parlent d’un continuum avec une classification en trois sous-types : présentation inattentive, présentation hyperactive-impulsive et présentation combinée. En d’autres termes, la psychiatrie considère le TDAH comme un trouble, une limitation ou un handicap au travail.¹
Du point de vue du paradigme de la neurodiversité, nous ne considérons pas le TDAH comme un trouble. Mais comme une variation naturelle du cerveau, un style de pensée différent ou une autre manière de percevoir le monde et d’interagir avec lui. Selon les personnes, il peut y avoir des défis en matière d’impulsivité, de concentration et/ou d’hyperactivité. Comme pour d’autres neurodivergences, chaque personne atteinte de TDAH présente des défis et des forces uniques au travail.
Quelles forces observons-nous souvent au travail chez les collègues au cerveau TDAH et comment pouvez-vous, en tant que collègue ou dirigeant, exploiter ces points forts dans l’équipe ?
- Ils sont souvent très créatifs, doués pour la pensée “out-of-the-box” et pour établir des liens. Par conséquent, ils proposent souvent des idées sous un angle différent de celui de la plupart des collègues et sont doués pour concevoir des innovations et résoudre des problèmes complexes.
- Certains sont également forts pour trouver rapidement des solutions, s’adapter aux changements et travailler sous pression, en situation de crise ou face à des échéances.
- Beaucoup sont aussi très curieux et aiment se plonger dans de nouvelles compétences, techniques ou projets. Nous observons aussi souvent qu’ils peuvent accomplir beaucoup de travail en relativement peu de temps et maintenir longtemps leur concentration lorsqu’il s’agit de quelque chose de nouveau ou qui les passionne. C’est ce qu’on appelle aussi l’hyperfocus.
- Ce que nous voyons souvent aussi, c’est qu’ils sont des collègues très empathiques, car ils sont doués pour ressentir les tensions (‘reading the room’).
- Leur enthousiasme peut être très contagieux, inspirant ou motivant pour le reste de l’équipe. Un certain nombre de personnes atteintes de TDAH aiment relever des défis au travail pour varier des tâches plus ennuyeuses ou répétitives. C’est pourquoi ils sont souvent les collaborateurs/intrapreneurs idéaux pour lancer un nouveau projet ou une expérimentation au sein de l’entreprise. Donnez-leur donc cette chance et facilitez/soutenez-les si nécessaire.
À quels défis se heurtent-ils aujourd’hui au travail et comment pouvez-vous les soutenir en tant que collègue ou dirigeant ?
- Les fonctions exécutives comme maintenir la concentration, établir des priorités et retenir des informations verbales pendant une courte période, … peuvent être difficiles pour certains collègues atteints de TDAH. Certains ont aussi un contrôle des impulsions plus faible, ce qui les rend plus facilement distraits et les pousse à commencer beaucoup de choses sans les finir. Il est donc bon d’éviter un effort mental trop élevé, en :
- travaillant par petites étapes.
- convenant de plages de concentration.
- se concentrant d’abord sur la finition des tâches en suspens.
- établissant ensemble les priorités et communiquant clairement sur les attentes (comme les échéances). Terminer des tâches et maîtriser l’effort mental leur donne un sentiment de satisfaction (coup de dopamine).
- La surstimulation sensorielle et l’ennui (sous-stimulation) peuvent rendre la concentration encore plus difficile. L’hyperfocus est aussi une arme à double tranchant, car il n’est pas possible de choisir sur quoi hyperfocaliser et c’est aussi extrêmement épuisant. Assurez donc suffisamment de variété et de défis dans le travail. Et prévoyez également pendant la semaine de travail du temps ‘mou’ (‘slack time’) et des moments libres entre les tâches pour pouvoir expérimenter ou se vider la tête avec une promenade ou du sport.
- Chez certains, leur hyperactivité peut se manifester par des clics de stylo, des tapotements du pied, des rotations avec la chaise de bureau, … ce qui peut entraîner des frictions avec certains collègues. Ce que nous voyons aussi souvent revenir, c’est la difficulté à reconnaître quand c’est leur tour de parler en raison de leur enthousiasme pour un sujet, ce qui les amène à interrompre d’autres collègues ou à ne pas bien écouter le collègue. Et inversement, des éléments comme la surstimulation ou le fait de ne pas être entendu peuvent générer des irritations chez une personne atteinte de TDAH. Dans de telles situations, il est important qu’il y ait une sécurité psychologique pour pouvoir en parler ouvertement et de manière transparente au sein de l’équipe ou entre collègues.
- Concernant la communication, nous voyons qu’ils peuvent souvent être un flot de paroles et avoir des difficultés avec une communication peu claire, ou oublier des instructions communiquées verbalement. Soyez donc clair dans la communication sur les accords, attentes, tâches et règles. Et discutez des choses qui vont bien et moins bien. Il est important de mieux apprendre à connaître les styles et préférences de communication de chacun et de toujours essayer de comprendre au mieux l’autre et le contexte pour éviter les incompréhensions.
- Prévoir également une formation sur les ‘soft skills’ pour tout le monde dans l’équipe leur permet de grandir sur le plan personnel et professionnel et améliore également la dynamique d’équipe. Pensez aux compétences comme donner du feedback, apprendre à sentir ses propres limites, apprendre à dire non, ne pas interrompre, apprendre à prioriser, apprendre l’écoute active, la gestion du temps, … Encore mieux, adaptez leur poste en fonction de leurs forces et talents (‘job crafting’), et déplacez les tâches où ils excellent moins vers des collègues qui y sont justement bons et en tirent de l’énergie. Pour l’entreprise aussi, cela conduit à plus de productivité, des employés plus heureux et un rendement plus élevé. Gagnant-gagnant pour tout le monde donc.
- Et enfin, les collaborateurs atteints de TDAH sont encore souvent confrontés à des préjugés au travail. Il est donc bon de prévoir une formation pour le manager et l’équipe axée sur une plus grande sensibilisation à la neurodiversité et sur la déconstruction des préjugés. Ne tirez pas de conclusions hâtives, ne supposez pas pour les autres et osez poser des questions.
Comment puis-je savoir si quelqu’un a le TDAH ?
Vous ne pouvez pas le savoir et n’avez en fait pas besoin de le savoir. La seule chose qui compte pour les collègues et les dirigeants est d’être conscient des forces et des défis de chacun, indépendamment des diagnostics ou des étiquettes. Et d’organiser l’équipe de manière à ce que chacun puisse exploiter son plein potentiel et que ses défis soient réduits ou éliminés grâce à un environnement de travail adéquat, des ajustements raisonnables et la suppression des barrières systémiques.
Conclusion
Dans un monde où la neurodiversité est de plus en plus reconnue et valorisée, il est crucial de voir quels atouts précieux les collègues atteints de TDAH apportent. Bien sûr, ils font face à certains défis car l’environnement n’est souvent pas adapté à une autre manière de penser. C’est pourquoi, avec le bon soutien au travail, ils peuvent pleinement exploiter et utiliser leurs atouts dans leur travail. Et ils tirent également plus de satisfaction de leur travail.
En tant que dirigeant ou collègue, vous pouvez au mieux soutenir les collègues atteints de TDAH en créant une atmosphère de sécurité psychologique, en gérant la charge cognitive, en développant davantage les ‘soft skills’, en favorisant une communication transparente et en travaillant avec toute l’équipe sur la sensibilisation à la neurodiversité.
Devez-vous appliquer toutes ces choses maintenant ? Bien sûr que non. Procédez par petites étapes, elles ont déjà un grand impact en elles-mêmes.
Travaillons ensemble (étape par étape) vers un environnement de travail neuro-inclusif dans lequel les perspectives et talents uniques de chaque collaborateur sont pleinement exploités, et où des équipes productives et résilientes sont construites.
Après avoir lu cet article, souhaiteriez-vous accorder de l’attention à la neurodiversité et à la neuro-inclusion au sein de votre entreprise ?
Daphné De Troch a appris à créer un environnement de travail avec la sécurité psychologique présente et à diriger une équipe de personnes neurodivergentes après avoir reçu un diagnostic de TDAH et d’autisme. Elle a créé Bjièn avec Dietrich pour aider d’autres responsables et équipes à se sensibiliser à la neurodiversité et à faire en sorte que leur lieu de travail soit neuroinclusif. — Plus sur Daphné